Qu‘est ce que c’est ?
La schizophrénie est un trouble psychotique sévère et chronique caractérisé par une distorsion de la pensée, de la perception, des émotions, du sentiment de soi, du comportement et une perte du contact avec la réalité. En 2021, les travaux de ZANGUE, EYOUM et KUATE notent une prévalence de 21% à la consultation de psychiatrie de l’Hôpital Laquintinie de Douala, l’âge de début variant de 15 et 30 ans.
Causes/facteurs de risques
Les causes exactes de la schizophrénie restent inconnues à ce jour. Mais une interaction entre les facteurs génétiques, environnementaux, psychosociaux, et une altération de la structure et de la biochimie du cerveau pourraient jouer un rôle dans la survenue de la maladie.
Ces facteurs peuvent être :
- Environnementaux et psychosociaux
L’incidence de la schizophrénie a été liée par certains travaux à la saison de naissance et à l’âge paternel élevé lors de la naissance. Les études à ce propos restent embryonnaires.
Il faut aussi noter la consommation des drogues et l’intensité des stresseurs sociaux.
La perte d’un être cher, un vécu traumatique pouvant entretenir ou déclencher la maladie.
- Facteurs génétiques:
Pour la schizophrénie comme pour la plus part des pathologies psychiatriques, l’anamnèse familiale donne la meilleure considération de la notion du risque individuel en termes de prédictivité du trouble en population générale.
En 2021, à l’HLD, 33% des patients suivis pour cette pathologie avaient des antécédents familiaux de schizophrénie (Travaux de ZANGUE, EYOUM et KUATE). Les études réalisées en Europe entre 1967 et 1978 montrent par exemple que, le risque global dans la fratrie d’un individu atteint est de 10 %, mais ce risque augmente considérablement lorsqu’un parent est également atteint, 16,7 %, contre 9,6 % lorsque aucun des deux parents n’est atteint. Le risque de devenir schizophrène, lorsqu’un des deux parents est atteint, est d’environ 12,8%.
Types de thématiques délirantes
Thème érotomaniaque : Le sujet a la forte conviction d’être aimé par une personne de statut social supérieur au sien (un personnage célèbre ou un supérieur hiérarchique). Il peut aussi s’agir d’un sujet que le patient n’a jamais rencontré. Les idées délirantes de ce type sont plus liées à un amour romantique et à une union spirituelle idéalisée plutôt qu’à une attirance de type sexuel. En général, le patient s’efforce d’entrer en contact avec l’objet de son délire.
Thème mégalomaniaque : Le délire de ce type est lié à la conviction d’être une personne spéciale, dotée d’aptitudes exceptionnelles et d’une grande clairvoyance. Le patient est certain d’avoir une relation particulière avec une personne importante (président de la république, haut placé du gouvernement, d’une société, etc.) ou s’identifie à un personnage important (auquel cas, ce personnage s’il est en vie est vu comme un imposteur). Ou encore, le patient est convaincu d’avoir une relation étroite avec Dieu qui l’aurait investi d’une mission divine.
Thème de jalousie. Ce type se manifeste par la conviction que son conjoint ou sa partenaire est infidèle. Le sujet en vient à cette conclusion en se fondant sur une analyse erronée de la situation. Des éléments mineurs sont ainsi pris pour preuves pour justifier son délire. La relation avec le conjoint (e) ou la partenaire se dégrade progressivement et de nouveaux comportements apparaissent : restriction de l’autonomie du partenaire, filature, conflit et agression physique sur le partenaire, etc.
Thème de persécution (70% des cas): Ici, le sujet a la certitude que son entourage complote contre lui, le trompe, espionne ses faits et gestes, le poursuit, cherche à le piéger, à l’empoisonner ou à le droguer, le diffame avec méchanceté, le harceler ou l’empêche d’atteindre ses objectifs.
Des problèmes mineurs sont décuplés et peuvent constituer le centre du système délirant. Le délire est aussi centré sur l’impression d’une injustice dont il doit être le réparateur avec l’aide de la loi ou des personnes compétentes.
Les personnes présentant des idées délirantes de persécution éprouvent souvent de la colère et peuvent recourir à la violence contre ceux qu’ils croient coupables (les persécuteurs désignés) de malfaisance à leur égard.
La schizophrénie est une maladie présente dans tous les groupes ethniques, pays et continents, bref partout dans le monde. Seule l’expression de la maladie diffère, car certains symptômes sont souvent imprégnés de traits culturels.
Symptômes/manifestations
- Hallucinations
Les hallucinations sont des perceptions sans objet à percevoir ; La perception peut être auditive (les gens parlent dans mes oreilles), ou visuelle (je vois la Lune me sourire), ou autres perceptions sans objets (je sens que quelqu’un me touche le dos)
- Délire
C’est une conviction fixe, fausse ou suspicion qui n’est partagée par personne d’autre dans la culture du sujet et qui est inébranlable malgré l’existence de preuves contraires (Ex : je suis l’envoyé de Dieu et c’est moi qui donne le pouvoir à tous les présidents du monde. Chaque fin du mois ils me rendent compte de ce qu’ils ont fait.)
- Comportement anormal
Ce sont des conduites irrationnelles, comme des déambulations sans but, des marmonnements ou des rires sans interlocuteurs, une apparence insolite, une négligence de soi.
- Désorganisation de la parole
Celle-ci fait référence aux propos incohérents ou sans pertinence. Exemple Dr je veux le vaccin contre le palu parce que quand je suis avec mes enfants ils me dérangent énormément. L’autre jour déjà en passant vers le carrefour, le prêtre m’a béni devant le président.
- Trouble des émotions
Apathie marquée ou déconnexion entre les émotions indiquée et ce que l’on observe au niveau de l’expression faciale ou du langage corporel.
L’évolution de la Schizophrenie
Le sujet atteint de schizophrénie entre progressivement dans la maladie. Il se coupe progressivement de la réalité, sent son corps se segmenter… Il entre dans sa nouvelle réalité qui est cette fois-ci inconsciente, meublée par des délires et des hallucinations qui de plus en plus vont prendre de l’ampleur. Lorsqu’elle n’est pas prise en charge par des spécialistes à ses débuts, elle peut évoluer sur une période allant de plusieurs mois à plusieurs années.
Prise en charge de la Schizophrenie
Vu l’origine multifactorielle et la grande variabilité individuelle de la schizophrénie, la prise en charge vise une articulation optimale entre facteurs biologiques, psychologiques et environnementaux.
Traitement médicamenteux
Les neuroleptiques (ou antipsychotiques) sont un traitement médical qui, loin de soigner la schizophrénie, soignent ses symptômes (surtout les symptômes positifs : les hallucinations, les délires et agitation psychomotrice) en agissant sur certains récepteurs du cerveau.
Actuellement, il n’existe pas de neuroleptique idéal, agissant aussi bien sur les symptômes négatifs que positifs, et ne présentant pas d’effets secondaires. En ce qui concerne ces derniers, les neuroleptiques de la nouvelle génération en présentent moins.
La durée du traitement médicamenteux : Généralement, le traitement dure plusieurs années, sinon, se prend toute la vie, afin de maintenir le cerveau en équilibre.
Traitement psychologique
La complémentarité entre le traitement médicamenteux et l’approche psychothérapeutique est impérative. Ainsi plusieurs formes peuvent se présenter :
- Le soutien structurant dans la réalité
Ici, il s’agit plus d’un aménagement du fonctionnement mental. Le thérapeute cherche à lutter contre le manque de cohérence par la structuration et la mise en place de limites et rôles clairs.
- L’approche phénoménologique
L’analyse phénoménologique de la narration autobiographique cherche à saisir de l’intérieur l’expérience subjective de la personne atteinte de schizophrénie. Le thérapeute aide le patient à renouer, autant que faire se peut, la cassure de son vécu psychotique à la trame d’un monde commun et de la sorte à pourvoir, ne fut-ce qu’en partie, se réapproprier son histoire.
- Les approches cognitives
L’entraînement cognitif cherche à améliorer les performances au niveau d’activités cognitives élémentaires. Déjà qu’on sait que la schizophrénie induit des altérations importantes (ralentissement du débit idéique, engluement psychique), les thérapies cognitives visent à la remédiation de cette situation.
Programme de réinsertion sociale
Plusieurs études ont montré que les deux ans après un premier épisode 1/3 des patients ont présenté un handicap social sévère et 1/3 un handicap moyen.
Beaucoup de schizophrènes doivent ainsi réapprendre les habiletés sociales et interpersonnelles nécessaires pour s’intégrer de façon durable dans la communauté.
L’entraînement des habiletés sociales cherche à améliorer le savoir-faire et le fonctionnement social par la fréquentation de groupes tels que groupe de parole…
Rôle de la famille dans la prise en charge de la schizophrénie
A la question de savoir comment l’entourage familial du schizophrène peut vivre et travailler, on dirait qu’une famille associée au sujet thérapeutique est susceptible de mieux surmonter les difficultés liées à la cohabitation avec un membre schizophrène et peut constituer une ressource importante au bon fonctionnement des programmes thérapeutiques. Pour une meilleure collaboration de la famille, il est nécessaire de lui donner quelques directives :
- Eviter la sur-stimulation
Au risque d’exacerber la symptomatologie, il est important de fixer des objectifs de vie atteignables, notamment des visées réalistes concernant le travail ; d’aménager un environnement structuré et prévisible pour réduire le stress : les tâches quotidiennes de routine, essayer de résoudre un problème après l’autre, permettre au patient de pouvoir s’isoler de temps en temps, maintenir une atmosphère calme (ne pas crier, éviter que plusieurs personnes parlent au même moment, éviter de faire des phrases trop longues) ; Dans toute la mesure du possible éviter les remarques trop critiques concernant le comportement du patient. Les proches ont souvent pas mal de raison de critiquer le comportement du patient. Ils doivent dès lors prendre une certaine distance.
Par ailleurs, des prestations même modestes doivent être valorisées.
- Eviter la sous-stimulation
Une sous-stimulation favorise la régression, ainsi est-il conseillé de ne pas essayer de tout faire à la place du patient, il faut faire des choses avec le patient et non faire à sa place.
- Respecter les prescriptions médicales
Aider le patient à prendre fidèlement son traitement et garder le contact avec son médecin traitant.
- Savoir reconnaître les signes précurseurs de rechute
Les proches du patient sont supposés être attentifs à tout changement : diminution de la concentration et de l’attention, diminution des intérêts et des motivations, fond dépressif, troubles du sommeil, anxiété, retrait social, méfiance, dysfonctionnement dans les rôles sociaux, irritabilité.
- En phase de stabilisation
Cette phase correspond notamment à la sortie de l’hôpital. Etablir d’un commun accord des normes réglant les comportements acceptables dans le milieu familial. Des limites fermes sont fixées par des consignes claires.
- Mesure d’autoprotection
Tout en aidant le patient à avoir la meilleure qualité de vie possible, les proches doivent pouvoir préserver leurs intérêts existants et leur vie privée. Pour le réaliser, ils peuvent avoir recours aux associations de familles de malades atteints de schizophrénie, aux groupes d’entraide des proches, au programme psycho-éducatif pour famille, aux brochures informatives sur la schizophrénie.
Répercussion de la maladie sur la famille
On peut faire face à une prise en otage de la vie familiale.
Au début, un membre de la famille tente de contrôler ou de changer le symptôme. A mesure que le symptôme persiste ou s’aggrave, les efforts en vue de le contrôler vont s’accroitre et peu à peu toutes les activités et les interactions de la famille vont devenir des réactions à ce symptôme. La vie familiale finit par tourner autour du symptôme et la famille est comme prise en otage par les comportements symptomatiques. Ce processus immobilise la vie familiale et contribue à la stagnation émotionnelle où règne l’inattention au besoin des uns et des autres.